Patrizia Valduga est née en 1953 à Castelfranco Veneto. Elle vit aujourd’hui à Milan. Voix reconnue de sa génération, celle que l’on présente (trop) souvent comme la compagne du grand poète Giovanni Raboni est surtout l’autrice de douze recueils, dans lesquels se déploie une poésie à la fois dense et économe, oscillant entre les deux pôles extrêmes de la mort et de l’amour (dans sa composante érotique). Sa langue baroque, pénétrée des auteurs qu’elle lit (Rebora, Pascoli, Montale…) est aussi précieuse, jusque dans sa confrontation à la forme fixe : sonnet, quatrain, huitain, et au vers par excellence de la poésie italienne : l’hendécasyllabe. Quelques uns de ses poèmes ont été traduits en français dans le recueil Lingua : La jeune poésie italienne (Le Temps qu’il fait, 1995), et dans Po&sie (n°109, 2004). A lire en particulier : Medicamenta e altri medicamenta (Einaudi, 1989), Requiem (Marsilio, 1994), Cento quartine e altre storie d’amore (Einaudi, 1997), Prima Antologia (Einaudi, 1998), Il libro delle laudi (Einaudi, 2012).
Les traductions sont parues dans la revue L’Intranquille n°7, Atelier de l’Agneau, septembre 2014, p.11-21.
Cento quartine e altre storie d’amore (1996)
1.
Come sei bello quando sei eccitato!
Come hai gli occhi più neri… così neri:
due nere notti che stanno in agguato
sopra i miei sensi, sopra i miei pensieri.
2.
“Tu mandali a dormire i tuoi pensieri,
devi ascoltare i sensi solamente;
sarà un combattimento di guerrieri:
combatterà il tuo corpo e non la mente.”
4.
“La porta del piacere… eccola, è qui.”
Quella del tuo, sicuramente, sì.
“Chi ti apre il cervello? Dimmi, chi?”
Chi lo sa aprire… Piano… sì, così…
8.
Ora lo sai: ho bisogno di parole.
Devi imparare a amarmi a modo mio.
È la mente malata che lo vuole:
parla, ti prego! Parla, Cristoddio!
11.
C’è un solo incontro e non c’è un solo addio
e devo sempre stare sul chi vive:
nel grande cimitero dei miei io
vivo una vita tutta recidive.
50.
Ogni mio senso è in ogni senso immerso
e dice addio ogni cellula a ogni cellula:
risensata attraverso l’universo,
io sono un’alga, un’ala di libellula.
Traduction (extraits)
1.
Comme tu es beau quand tu es excité!
Comme tes yeux sont plus noirs… si noirs,
tapis au-dessus de mes pensées
au-dessus de mes sens : deux nuits noires.
2.
« Toi, envoie-les paître, tes pensées,
Tu dois écouter tes sens seulement ;
Il s’agira d’un combat de guerriers :
où combattra ton corps, pas ta raison. »
4.
« La porte du plaisir… La voilà : elle est là. »
Celle du tien, sans doute, oui.
« Et qui t’ouvre le cerveau ? Qui ça, dis-moi ? »
Celui qui sait l’ouvrir… Lentement… comme ça, oui…
8.
Tu le sais maintenant : j’ai besoin de mots.
Tu dois apprendre à m’aimer comme il faut.
C’est mon esprit malade qui le veut :
parle, je t’en prie ! Parle, nom de Dieu !
11.
La rencontre est unique mais non l’adieu
je dois toujours rester sur le qui-vive :
dans le grand cimetière de mes différents je
je vis une vie toute de récidives.
50.
Chacun de mes sens est en tout sens immergé
adieu, dit chaque cellule à chaque cellule :
à travers l’univers je suis renouvelée,
je suis une algue, une aile de libellule.