Lily Robert-Foley
Ces traductions et la présentation ci-dessous sont parues dans la Revue Chroniques errantes et critiques n°38, Atelier de l’Agneau, septembre 2011.
Lily Robert-Foley est née en 1984 et vit actuellement à Paris. Elle écrit une thèse en Littérature Générale et Comparée à l'Université Paris 8, sur l'auto-traduction chez Samuel Beckett. Parallèlement, elle enseigne l'anglais à l'Université Paris-Descartes. Elle est poète/écrivain de langue anglaise, et éditrice pour la revue Omnia Vanitas Review. Parmi ses publications récentes, elle a signé en 2009 l'appareil critique de la "North Georgia Gazette" aux éditions Green Lantern Press (Chicago, 2009). D'autres textes de critique et de création sont consultables sur Fabula, Critiphoria.org, et dans The Mad Hatter Review. Un "chapbook" de sa poésie paraîtra cette année chez Xerolage Press (Xexoxial Editions, Wisconsin, Etats Unis).
"Lire Lily - quelques mots d'introduction" (par Camille Bloomfield)
Lily Robert-Foley n’écrit pas des poèmes, elle réinvente la poésie. Rien de moins. Avec la savante ingénuité que lui confèrent son âge et son parcours, elle prend les mots, les malaxe, en fait des bulles, les regarde s’iriser à la lumière et puis éclater. Depuis plus de quatre ans, Lily Robert-Foley écrit en élaborant, pour chaque poème, sa « machine » propre. Une « machine » est chez elle un mécanisme prédéterminé de contraintes, guidant l’écriture du texte mais aussi sa lecture, et laissant la part belle au dérèglement inventif. Certaines de ses machines sont visuelles, représentées graphiquement et illisibles à voix hautes (les « graphemachines »). D’autres au contraire sont éminemment sonores. Aucune n’est réellement traduisible. Mais chacune fait apparaître des liens entre les mots, les lettres, les sens et les sons, chacune révèle à sa façon les rouages complexes et mystérieux de l’inconscient linguistique, ainsi que, par de brefs éclairs, la surprenante sensibilité et la touchante fragilité de leur auteur. Chinant le sens dans les greniers les plus reculés de la langue, les poèmes de Lily Robert-Foley sont, selon sa propre expression, autant d’« exercices de lecture » - critique littéraire presqu’autant que création poétique, dans la plus pure tradition de la poésie conceptuelle américaine.
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Hully corps
axe le corps mortel immortel aliment de la tête la tête alimente esprit tête esprit la tête est dans l’axe
axe la tête en-tête de tête : tête. tête cheveux cheveux étête tête cheveux sur tête de front en tête axe
axe sur corps où est tête est visage face à visages face envisage face à face de haut en haut sur l’axe
axe temple corps est côté face œil pour voir axe de face pour voir œil regarde bas visage en bas axe
axe joue baiser ou gifle.tête à la fois corps et esprit dans la langue.paume posée oreiller sur joue axe
axe marque oreille où bouche embouche bouche écrit bouche ouverte bouche fermée d’oreille à axe
axe vit en corps corps vit en failles les siennes un cou long menant vers socle soutenant poitrine axe
axe coude à coude signifie beaucoup de gens signifiant nous sommes tous aux coudes à coudes axe
axe bras naissant aisselle vers poitrine centre cœur chauffant comme âtre chauffe cœur maison axe
axe large plat un paysage une crête poitrine sein femme pectoraux hommes picturaux humains axe
axe arquant cage thoracique nombreux plis poumons sous dos derrière dos poumons expirant l’axe
axe souffle gorge bouge tétons frémissent au froid dehors et dedans peau disjointe initie agonie axe
axe peau initie longue agonie d’organes c’est cela qu’enseigne la poitrine et que le cœur vainc l’axe
axe si une seule fois torse avait glissé vers diaphragme poussé souffle à cœur perdu cœur vaincu axe
axe côtoie muscles tendus entendu gargouillis signifiant faim son appelant un corps à partir de l’axe
axe et toujours plus bas plus en-dedans appareil intestinal, voyages animaux vers leur trajet final axe
axe canal de naissance vers canal de mort vers autres estomacs cycle corps cercle fissure de côté axe
axe taille commence et finit à chaque point de sa circonférence comme mange organes et monde axe
axe reins ventre gras emballant côlons caca ventre rouages et entrailles monde niché taille dans l’axe
axe hanche jusqu’au lieu d’intersection où deux humains n’en font qu’un et forment une hanche axe
axe fais un demi tour entre moitié de lèvres vulve à la lèvre du pivot de la pente ou plonge dans l’axe
axe cuisse solide professe épaisse bien qu’agonise pénis entre-deux jamais un côté ou l’autre de l’axe
axe assis en jambe cuissefémurcuisse muscle chair peau symétrie cuissefémurcuisse jambe assis axe
axe marche sur jambe culfémurcuisse chair peau muscle symétrie cuissefémurcul sur jambe assis axe
axe marche sur jambe culfémurcuisse muscle symétrie chair peau culfémurcul jambe avec allongé axe
axe tape avec jambe culfémurcuisse chair peau muscle symétrie cuissefémurcul jambe avec tape axe
axe danse avec jambe culfémurcul peau muscle symétrie chair cuissefémurcul jambe avec danse axe
axe saute avec jambe culfémurcul muscle symétrie à chair de peau culfémurcul jambe avec saute axe
axe croise avec genoucrotule jambon muscle symétrie à chair de peau crotulegenou avec croise axe
axe pédale en jambe mollet fibia muscle symétrie chair peau tibula tibia comme jambe en pédale axe
axe cours sur jambe mollet tibula chair peau muscle symétrie fibia tibia comme jambe sur cours axe
axe grimpe en jambe tibia fibia symétrie chair peau muscle tibula mollet comme jambe en grimpe axe
axe étire avec jambe tibia tibula peau muscle symétrie chair fibia mollet comme jambe avec étire axe
axe enfourche par jambe mollet fibia muscle symétrie chair peau tibula tibia par jambe enfourche axe
axe tords avec jambe tibia fibia symétrie chair peau muscle tibula mollet avec jambe tordant en l’axe
axe cheville joint talon et au-delà achille combattit les confins de ses talons étalonnants cheville axe
axe pied fait horizon avec terre empreintes en sol empreintes saleté sur sol cuisine pose pied sur axe
(traduit avec l’aide de l’auteur)